L’Art du Kintsugi et la Psychanalyse

La première fois que j’ai vu un bol réparé avec cette technique japonaise ancestrale, j’ai ressenti comme une évidence. Pour moi le KINTSUGI était le symbole du travail analytique dans lequel je m’étais engagée. 

 

Qu’est-ce-que le kintsugi ?

C’est un art japonais qui consiste à réparer un objet cassé en soulignant ces fêlures avec de la poudre d’or.  C’est un processus de réparation long et précis qui consiste dans une première étape à regrouper tous les morceaux de l’objet brisé. Il s’agit de les répertorier et les réunir un à un, les nettoyer, puis, de les recoller grâce à une laque traditionnelle issue de l’arbre laquier. Une fois cette première étape terminée, l’objet est mis à sécher puis poncé. Ensuite, chaque fissure est recouverte de laque puis saupoudrée avec de l’or, ou tout autre métal en poudre. Laque et métal se mélangent. À la fin, l’objet est poli et révèle tout son éclat. 

 

Comment ne pas associer ce processus de réparation d’un objet brisé à un travail analytique ? 

Quand une personne vient pour la première fois me rencontrer, elle raconte son histoire, sa vérité. Elle évoque des bribes de sa vie comme un puzzle à assembler. Parfois éparpillée, brisée, je l’écoute. Commence ainsi pour elle un travail d’élaboration, plus ou moins long, qui viendrait unifier un psychisme quelquefois morcelé, enchevêtré dans des mécanismes de défenses puissants et le corps. À terme, elle se sent mieux avec elle-même. Elle fait petit à petit de ses symptômes une force. 

Dans le kintsugi, l’or qui recouvre les fêlures des objets pourrait être associé à notre ressource intérieure. Loin d’effacer les blessures, « faire un travail sur soi » c’est apprendre à faire de nos traumatismes un potentiel de créativité. Tous les obstacles surmontés sont nos expériences de vie, ce qui nous rend unique. C’est notre engagement dans ce « labour » analytique qui va faire de notre vécu, de ce que nous sommes, un être solide et solaire. Une « belle personne » qui est le centre des chemins qu’elle traverse.

 

Le kintsugi, symbole de la résilience : qu’en est-il de la psychanalyse ?

Le kintsugi est dans la littérature souvent associé au symbole de la résilience. Sur le plan mécanique, la résilience définit la capacité d’un corps à reprendre sa forme initiale à la suite d’un choc, à résister.

Qu’en est- il sur le plan de la clinique psychanalytique ?

C’est Boris Cyrulnik, psychiatre et psychanalyste, qui a beaucoup développé et travaillé le concept de résilience psychique. Selon lui, c’est la possibilité pour le sujet de faire face à un traumatisme. Souvent confondu avec l’oubli ou le déni, la résilience au contraire, implique un acte volontaire de ne pas se poser comme victime mais plutôt d’engager un travail sur soi pour permettre de dépasser le traumatisme.

D’un point de vue psychanalytique, il y a une méfiance quant au galvaudage de ce concept qui de nos jours apparaît comme une qualité intrinsèque à développer. Une recette pour aller mieux. Cependant, face à un traumatisme, parfois la seule façon pour aller mieux, est de réactiver des mécanismes de défenses puissants qui donnent au sujet l’impression de tenir, de résister. Ces mécanismes sont inconscients et souvent, laisse penser au départ, que le traumatisme est dépassé. Dans ces cas-là, il est probable que l’inconscient un jour se rappelle à la personne.

Un travail analytique peut alors être envisagé car plus qu’une aptitude à revenir à l’état normal, il invite la personne à mieux se connaître, à s’accepter et à transcender ses défauts, ses failles, pour développer une force créatrice et écouter ses propres désirs. N’est-ce-pas cela, la résilience dont le kintsugi pourrait-être un magnifique symbole ?

 

 

Le corps symptôme

 

Et si nous écoutions avec attention notre corps lorsqu’il parle ?

 

Ces symptômes qui nous veulent du bien

Qui n’a pas ressenti une boule au ventre, des douleurs avant un évènement stressant ? Combien de sportifs se blessent avant un grand évènement pour lequel ils ne se sentent pas prêts ?

D’autres exemples tout aussi parlants peuvent être relatés : être aphone le jour d’une présentation importante, avoir le dos bloqué ou un torticolis alors qu’on doit partir en déplacement.

Ces petits symptômes peuvent souvent être  significatifs d’un niveau de stress intérieur très élevé, d’un manque de confiance, d’un besoin de s’arrêter. Quand ils deviennent récurrents, Il semble intéressant de les entendre pour mieux comprendre son fonctionnement et s’adapter.

Le corps nous parle. Il nous informe sur notre état intérieur physique et psychique. Il est la mémoire de toute notre construction depuis l’enfance, de nos traumatismes, de nos refoulements. Ainsi, les douleurs, les blessures, la maladie (« le mal a dit ») , les dysfonctionnements, les souffrances physiques ne seraient pas liés au hasard, mais seraient probablement le symptôme de souffrances psychiques antérieures refoulées.

Plus nous refusons de l’entendre et plus le corps crie fort.

Maladies chroniques, cancer, AVC, burn-out, troubles alimentaires, addictions… Que viennent signifier ces dysfonctionnements de notre corps à un moment de notre vie ?

Et si, au lieu de les nier, d’essayer de les soulager par des traitements agissants sur les symptômes visibles, nous nous mettions à notre écoute pour commencer le chemin de notre guérison et nous intéresser à l’origine de nos maux.

Il est étonnant de constater le pouvoir de la parole, de notre écoute sur nos souffrances physiques.

 

maux-et-symptomes

 

Le corps, un outil de communication précieux.

Quand j’étais entraîneure, nombre de mes gymnastes alors adolescentes me faisaient part d’une douleur qui les gênaient, les handicapaient dans l’accès à la performance. Elles avaient mal. Ne pas les écouter aurait signifié ne pas entendre leur peur, nier leurs ressentis.

Forte de mes années d’expériences, d’observation, je les amenais à écouter et parfois à sourire du message que leur corps semblait vouloir leur signifier. Pour moi, ces échanges étaient des renseignements précieux sur l’état mental de mes gymnastes. Leur corps, dans la réalisation de leur performance, devenait un outil de communication précieux. Ainsi, ensemble, nous prévenions des états de fatigue, de stress. Et plus que tout, le corps donnait accès à la parole, libérait cette peur qui ne pouvait se dire devant les autres (gymnastes, parents, entraîneurs), donnait du sens.

Observer, écouter le corps… Dans le monde du sport, ce peut être assez simple, car nous le mettons en scène, surtout dans un sport artistique comme celui que je pratiquais, la gymnastique rythmique. Toutefois, la recherche de performance pouvait aussi engendrer une volonté de dompter son corps, ses émotions et par conséquent menait à refuser de l’écouter pour l’amener toujours plus loin. Si l’exigence du sport de compétition nécessite d’amener son corps à repousser ses limites, il parait capital de ne pas se couper de la communication intime qu’il nous offre. Ne plus l’entendre pourrait favoriser la blessure, la dépression, le burn-out ou l’apparition de comportements déviants comme le dopage.

 

psychanalyse

 

Mettre en mots nos maux : l’approche analytique par médiation corporelle.

Ma conception du corps comme outil précieux de communication s’est construite au cours de ma carrière sportive et d’entraîneure, avec beaucoup de curiosité pour la relation puissante corps/psychisme.

Aujourd’hui, en tant que professeure de yoga, j’enseigne à mes élèves à se reconnecter à leur corps et à eux-mêmes.  Une première étape pour s’écouter sans jugement, sans à priori. Être dans « l’ ici et maintenant ».

En tant que psychanalyste, je propose une thérapie autour de la médiation corporelle. Apaiser le corps par des exercices de respirations et des mouvements simples pour permettre son écoute et entendre ses souffrances. La cure de parole reste nécessaire pour mettre en mots les maux et leur donner du sens.

Ne laissez plus votre corps crier, apprenez à l’écouter, le respecter, l’accepter.

 

Notre corps ne ment jamais

Alice Miller